Article paru dans Université & Territoires n° 151

Dans cet article nous avons souhaité présenter nos adhérents qui montrent que la diversité des acteurs n’est pas qu’une formule. 

Le Plan 60 000 et la politique du logement étudiant – que l’AIRES a souvent critiqué dans sa mise en oeuvre – n’a finalement pas réussi… à échouer. Les points qui n’ont pas avancés depuis 2017 (la gestion transparente et équilibrée du foncier universitaire, la question des charges dans le logement conventionné, l’ineptie de la géographie préférentielle, etc.) sont nombreux… mais ceux qui ont évolués sont à souligner : pérénnisation du court-séjour, renouvellement du Censi-Bouvard pour 2022 avec une évaluation programmée.   

Le 1° octobre Mme Wargon et Mme Vidal ont animé un comité de pilotage sur le logement étudiant. Le Plan 60 000 logements (étudiants) et 20 000 logements (jeunes actifs) qui est, rappelons-le, issu d’un engagement du Président de la République, n’est quasiment plus mentionné. L’offre nouvelle de logements étudiants est de 35 926 places mises en servicedans des résidences étudiantes « à caractère social ». Pour la première fois, le Ministère du logement et le Ministère de l’enseignement supérieur ont accepté d’intégrer dans les offres nouvelles de logements étudiants les 27 201 places mises en service dans des résidences étudiantes privées en métropole que  l’AIRES a communiqué en juin 2021. 

Les offres en habitat social et/ou émanant de l’enseignement supérieur 

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Les offres exploitées en habitat social ne sont ni celles de l’opérateur public de l’Etat (CROUS) ni celles des bailleurs sociaux comme Espacil qui ont la particularité d’exploiter en direct des logements étudiants et jeunes travailleurs. Ce sont celles d’acteurs sous forme d’association de loi de 1901 qui gèrent des logements conventionnés comme par exemple Fac-Habitat qui gère (8 324 logements), Arpej (9 892 logements) ou encore Les Quartiers latins (535 logements). 

On retrouve également des acteurs de l’enseignement supérieur. Historiquement, des mutuelles étudiantes comme la Smerra avec Logifac (6 954 logements) ou la MGEL-VYV avec la MGEL Logement (3 516 logements). Mais également des établissements d’enseignements supérieurs qui gèrent des résidences pour leurs étudiants. Historiquement ce sont les écoles comme par exemple l’ESSEC à travers Alegessec (1 095 logements) ou Centrale avec CESAL (2 510 logements). Et depuis 5 ans, l’Université de Dauphine s’est attelée à la tâche en tissant des partenariats et créant 2 premières résidences avec Dauphine Housing (147 logements) . Ce travail est précurseur du rôle et de la place que doivent jouer les établissements d’enseignement supérieur. 

En général, les structures qui émanent de l’enseignement supérieur exploitent des logements en habitat social et en habitat privé. Cette exigence de mixité est en plein essor car elle répond à la demande des territoires et des établissements : la diversité de l’offre de logements est un atout car elle est une des réponses à l’attractivité souhaitée.  

Cette tendance à la mixité se diffuse également depuis une dizaine d’années chez d’autres acteurs historiques du logement étudiant aussi bien côté social (Fac-Habitat a par exemple créé Loc-Habitat pour disposer d’une offre privée) que côté privé (Le Groupe Réside Etude a par exemple créé l’AREF pour exploiter des logements conventionnés sous la marque Stud’City).

Ces offres de logement étudiant en habitat social se sont particulièrement développées ces dix dernières années. Si on se réfère au Plan 40 000, 95% des logement ont été construits par des bailleurs sociaux, les 5% restants sont l’œuvre des privés qui ont fait appel à des PLS (banque). Le Plan 40 000 (2012-2017) a révélé le fait que 58% des logements étaient exploités par le secteur hors CROUS. Le moins que l’on puisse dire c’est que le logement étudiant social ne se réduit pas aux seuls CROUS. 


Les offres en habitat privé

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Les offres d’habitat privé se structurent entre des logements construits par des investisseurs particuliers qui mobilisent leur épargne populaire à travers des dispositifs fiscaux (Censi-Bouvard, LMNP) et des investisseurs en bloc (institutionnels publics ou privés). 

Cet état des lieux est important car il révèle implicitement une pluralité d’acteurs aux profils différents :

des exploitants liés à des grandes entreprises, comme par exemple Studéa (Nexity – 15 245  logements) ou Studélites (BNP Paribas Immobilier Résidentiel – 6 302 logements) ;

des entreprises de plus ou moins grande taille à capital familial qui se sont spécialisées sur cette activité, comme par exemple le Groupe Réside Etudes (16 645 logements) ou Cap’études (580 logements) ;

des entreprises émanant du monde de l’immobilier comme Sergic avec sa marque Twenty Campus (5 355 logements), Vinci avec Student Factory (641 logements), le Groupe Cardinal avec Cardinal Campus (3 976 logements) ;

des entreprises spécialisées sur la reprise de résidences comme par exemple NéoRésid (2 270 logements) ;

des entreprises provenant du tourisme et qui se sont diversifiées comme Odalys Campus (3 413 logements) ;

des entreprises spécialisées dans la vente aux particuliers comme les Belles années (4 500 logements), Gestétud (1 569 logements), Réalista Résidence (1 650 logements) ;

des foncières, comme par exemple Campuséa Gécina (3 203 logements), Kley (3 516 logements) ou Global exploitation Suitétude (4 750 logements) ;

ou encore des structures à caractères européens comme par exemple The Student Hotel (191 logements en France mais beaucoup plus aux Pays Bas et en Espagne). 

Deux aspects sont totalement oubliés lorsque l’on parle de logement étudiant . Le premier concerne le public accueilli dans les résidences étudiantes privées. La présence d’étudiants boursiers est totalement occultée. Elle résulte à la fois du fait que tous les étudiants boursiers ne peuvent pas être logés par les CROUS, mais également parce que certains d’entre eux privilégient un logement en résidence privée pour des raisons de proximité ou de qualité d’hébergement et d’exploitation.

Le second concerne le profil type des français qui investissent dans les Résidences pour étudiants. Il est très intéressant car, contrairement à des idées toutes faites, il ne représente pas la France des grandes fortunes, mais celle des classes moyennes, qui a utilisé son épargne en choisissant d’investir dans la pierre. A titre d’exemple un groupe comme Réside Etudes a la confiance de plus de 18 000 investisseurs. On peut évaluer à 100 000 le nombre d’épargnants.

Soulignons également, et c’est un point important dans le contexte économique de crise que traverse notre pays, les résidences pour étudiants et les emplois du secteur ne sont ni produits en Corée, ni délocalisables au Maroc… Elles sont construites et gérées en France. L’Etat et les collectivités publiques bénéficient d’ailleurs d’un retour de recettes fiscales très significatives. 

Enfin, il est vital de rappeler que ce secteur représente aujourd’hui, en termes d’emplois permanents, plus 10 000 emplois.

Une insuffisance chronique

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L’offre de logements pour étudiants est structurellement insuffisante ; elle ne permet ni d’accompagner la démocratisation de l’enseignement supérieur, ni les nouvelles mobilités que l’on connaît avec le succès d’Erasmus ou celui de l’apprentissage dans le supérieur.  

Force est de constater que le nombre de constructions ne suit pas la courbe de la démographie et ne permet donc pas de rattraper le retard. 

Il suffit de rappeler que 358 000 étudiants internationaux ont choisi la France pour étudier en 2020 . Comment tenir l’objectif d’accueillir un demi-million d’étudiants étrangers d’ici 2027, annoncé en 2018 par le Premier Ministre de l’époque, et accompagner le plan de développement de l’apprentissage en France proposée par Mme Muriel Pénicaud comme un outil de lutte contre la précarité grandissante du monde étudiant ? 

L’AIRES a devant le Sénat en mai dernier déclaré qu’il manquait 250 000 logements étudiants. Au-delà des données quantitatives, les évolutions et les réalités du monde de l’enseignement supérieur sont insuffisamment prises en compte. En 15 ans, le rythme de l’année universitaire a profondément évolué, avec l’augmentation du nombre de stages, le développement de l’alternance et la hausse de la mobilité internationale. Le phénomène le plus récent est sans aucun doute celui de l’émiettement des durées et l’apparition de séjours ultra-courts.

Trois chiffres illustrent ces évolutions. Tout d’abord, entre 2005 et 2017, le nombre d’apprentis dans l’enseignement supérieur en France a augmenté de… 135,4% ! Ensuite, la hausse de la mobilité étudiante est principalement due à la très forte augmentation de la mobilité de stages (+ 172 % en 7 ans passant de 4 723 à 12 840 mobilités).Enfin, la durée moyenne du séjour est de 23 semaines. 39% des séjours sont d’une durée de moins de trois mois.


Le court-séjour pérennisé

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Depuis le début des années 2000, les résidences en habitat social ou libre sont confrontées aux changements de rythme de l’année universitaire, avec le succès d’Erasmus et la multiplication des stages depuis l’inscription de l’insertion professionnelle des étudiants dans les missions de l’Université. Le phénomène le plus récent est sans aucun doute celui de l’émiettement des durées et l’apparition de séjours ultra-courts. Le décrochage du taux d’occupation apparaît clairement à partir du mois de mars et même parfois dès février.

Pour répondre à ces nouveaux enjeux sociétaux, les parlementaires ont inventé dans la Loi égalité Citoyenneté (2017) un dispositif dérogatoire et expérimental autorisant « le gestionnaire d’une résidence universitaire qui n’est pas totalement occupée après le 31 décembre de chaque année à louer les locaux inoccupés, pour des séjours d’une durée inférieure à trois mois s’achevant au plus tard le 1er septembre ». Quelle que soit la nature de l’exploitant, qu’il soit public, social ou privé, la vacance locative demeure toujours le premier de ses problèmes. Le taux d’occupation varie naturellement entre résidences universitaires en habitat social et celles en habitat privé, entre Paris et les régions. Grâce à ce dispositif, entre 2016 et 2019, le taux d’occupation a progressé de 6,17% selon l’AIRES. 

Ce dispositif est en cours de pérénisation puisque l’article 36bis du projet de loi 3DS a été voté par les sénateurs le 15 juillet dernier. Il passe à l’Assemblée nationale dans les premiers jours de décembre. 

Le Censi-Bouvard renouvelé

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Les aides fiscales de l’Etat auprès des particuliers sont un sujet très important qui va mobiliser l’AIRES dans l’année 2022 avec le rapport d’évaluation du Censi-Bouvard. 

Du point de vue du développement territorial de l’enseignement supérieur, cela a historiquement permis de produire des résidences étudiantes dans des villes où le CROUS ne souhaitait pas s’installer comme Fréjus, Saint-Raphaël ou encore Bastia. Plus récemment, nous constatons que les fonds d’investissement publics ou privés privilégient toujours les métropoles au détriment des villes moyennes. Force est de constater que les investisseurs en bloc ne se ruent pas pour investir à Limoges ou Nevers et que très souvent l’épargne individuel en particulier avec le Censi-Bouvard est la seule solution pour sortir de terre une résidence pour étudiants. 

Les exploitants des résidences étudiantes contribuent ainsi à l’égalité territoriale des conditions d’étude des étudiants.    

Nous souhaiterions rappeler le rôle régulateur urbain des résidences pour étudiants qui est trop souvent oublié. L’exploitation rigoureuse et fonctionnelle des résidences services est souvent une garantie de qualité. Le secteur des résidences services, à la différence par exemple parfois du logement étudiant diffus qui existe dans les métropoles, est très strict par exemple avec les normes de sécurité incendie. On ne trouve pas de chambres trop petites, ni de logements inadaptés comme dans le cas de colocations sauvages, ou encore de sanitaires défectueux,… 

Enfin, le Censi-Bouvard a un autre intérêt. Le régime des résidences services est régi par la règle dite des 70%. Les dispositions de l’article 261 D 4° du CGI précise que le seuil de 70% est apprécié sur une période de référence de trois mois du 1er octobre au 31 décembre de chaque année de la période d’engagement de location. Cette souplesse évite de mettre à la rue les étudiants fraichement diplômés. n

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